Vendredi 26 mars, à l’issue de son Assemblée plénière, la Conférence des évêques de France a présenté onze décisions qui ont été prises pour lutter durablement contre les abus sexuels au sein de l’Église.

Accompagner les victimes, prévenir, sensibiliser… voici les axes principaux des onze décisions pour lutter contre la pédophilie présentées par les évêques de France à l’issue de l’Assemblée plénière de printemps qui se tenait du 23 au 26 mars 2021.

Dans une longue lettre adressée aux fidèles, les évêques rappellent les faits et la création de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) confiée à Jean-Marc Sauvé qui est chargée « d’enquêter sur ces faits, d’analyser la manière dont ils ont été traités et d’évaluer l’action de l’Église, notamment depuis les années 2000. »

Des faits « avérés et indéniables »

La Conférence des évêques de France (CEF) met un point d’honneur dans cette lettre à reconnaître la part de responsabilité de l’Eglise ainsi que les agressions sexuelles commises sur des mineurs, ils affirment qu’il s’agit là de « faits avérés et indéniables ».

« Des prêtres et des religieux ont commis des agressions sexuelles sur des mineurs, garçons ou filles. Des prêtres ont abusé de leur position sacramentelle pour exercer une emprise sur des jeunes et parfois leur faire subir des violences sexuelles. Ces faits sont avérés et indéniables. »

Les évêques rappellent que si dans « les décennies passées » certains de ces faits ont été « dénoncés, traités par la justice de notre pays » d’autres sont malheureusement restés cachés, soit par l’Eglise elle-même soit parce que les victimes n’ont rien dit. Des situations que la CIASE devrait aider à mettre en lumière.

« Il est aussi arrivé que ces faits soient connus, portés à la connaissance de certains responsables ecclésiaux, et qu’ils aient été traités seulement par une admonestation au prêtre mis en cause, une promesse par celui-ci de ne pas recommencer, et un déplacement dans une autre paroisse, avec trop souvent de graves récidives. Il est arrivé aussi que de tels faits ne soient pas connus du tout ni des autorités ecclésiales, ni des familles, les enfants victimes n’en parlant pas ou n’ayant pu en parler ou en ayant parlé mais sans être écoutés. La CIASE nous aidera à mieux connaître ces situations diverses. »

« La justice de notre pays et la justice canonique doivent être saisies de ces faits graves et inacceptables. » affirme la CEF.

L’organisation évoque également « le traumatisme » des victimes, qui vient aussi expliquer parfois « l’impossibilité de faire mémoire » et permet de comprendre « pourquoi la parole advient parfois très tardivement et douloureusement ». Elle affirme également que d’un point de vue « éthique » ces actes sont « contraires au commandement ‘Tu ne tueras point’, car ce sont d’abord des atteintes à la vie dont l’impact ne disparait pas, et non pas seulement des manquements à la juste relation éducative de la part des adultes ».

Une étape décisive 

Parce que « l’église a un devoir envers les victimes » les évêques ont décidé de mettre en place trois séries de mesures rassemblant onze décisions qui s’inscrivent « dans une démarche générale destinée à franchir une étape décisive dans la reconnaissance de ces violences et la lutte contre ces abus. » En voici la liste :

  • Des mesures concernent notre relation avec les personnes victimes: nous devons et nous voulons les aider, humblement, dans les étapes et les moyens qui leur permettront d’avancer dans leur chemin de vie et de reconstruction.
    D’où les décisions de :
  • continuer à travailler régulièrement avec les personnes victimes ;
  • sensibiliser et former de manière régulière à l’accueil et à l’accompagnement humain et spirituel des personnes victimes d’agressions sexuelles dans l’Église ;
  • proposer aux personnes victimes un secours financier qu’une instance d’assistance indépendante sera chargée d’attribuer dans la limite de nos moyens, selon les besoins exprimés par chacune de ces personnes
  • améliorer la formation initiale et continue des prêtres et de tous les acteurs pastoraux, surtout ceux et celles qui travailleront auprès des jeunes ;
  • améliorer nos moyens de suivre et d’accompagner les prêtres coupables dans les différents moments de leur vie ;
  • créer un lieu qui gardera vive la mémoire des faits commis et de la manière dont les personnes agressées ont pu vivre cette épreuve. Ce que les personnes victimes demandent le plus est l’assurance que l’Église travaille vraiment pour que de tels drames ne se reproduisent plus. Le lieu mémoriel sera donc aussi un lieu pédagogique pour former les générations futures à la vigilance sur les dérives possibles du pouvoir spirituel
  • consacrer une journée à la mémoire de ces faits et à la prière pour les personnes victimes, chaque année, le 3ème vendredi de Carême.
  • Des mesures visent au renforcement de nos procédures de justice canonique. Celles-ci ne dispensent pas du recours à la justice étatique. Nous avons décidé de mettre en place un tribunal pénal au niveau national pour disposer des moyens nécessaires afin d’agir avec une efficacité qui a pu faire défaut jusqu’à présent.
  • Des mesures concernent l’organisation de la Conférence des évêques et s’ajoutent à celles prises depuis 2016 : nous mettrons en place un Service dédié « à la promotion de la vigilance et à la formation à la juste relation pastorale » ainsi qu’un Service national d’écoute.

La lettre de la CEF qui entend faire connaître et comprendre « la mesure » de ce « phénomène », se conclut par un appel à être « tous vigilants et actifs pour faire de notre Église une ‘maison sûre’ ».

Leave a Comment